Elora a écrit :
Question existentielle pour Atriyou : Tu crois au Destin ?

Aaaah la belle question. Je sors du piano, de Platon et de "Stage Fright" (Hitchcock), tout ça dans la même soirée ! Je dis cela, c'est pour le contexte !
D'abord qu'est-ce que le destin, d'un point de vue conceptuel ? Ce serait une puissance extérieure à la volonté humaine, qui, selon certaines croyances, régirait l'univers, en fixant de façon irrévocable le cours des événements (ATLIF). La lecture de "Jacques le Fataliste" et notamment de son introduction peut nous renseigner sur le caractère quelque peu dérisoire, mais angoissant du concept de "destin".
Le caractère irrévocable du destin me gêne. Car il ne peut correspondre à la réalité en train de se faire et à venir. Il peut seulement être considéré par rapport à une réalité passée. Le caractère irrévocable est de mon point de vue, toujours un jugement que l'on fait a posteriori sur des choses qui se sont déroulées. En tant qu'historien de formation, j'ajouterai que l'irrévocabilité d'un fait ne peut jamais être entièrement attestée. Mis à part si l'on considère la réalité de manière très simplifiée.
On me rétorquera alors que les rouages du destin sont en effet bien ciselés et précis comme le fil d'un rasoir. Soit.
Je me suis toujours dit que je ne voudrais pas avoir à faire à quelqu'un qui me lise mon avenir et que je puisse croire suite à une accumulation de preuve attestant de ses dons. Je ne voudrais pas non plus demander à un quelconque génie de m'accorder le don de pouvoir lire dans l'avenir. Je ne souhaite pas que l'on me dise : tu feras ceci ou il se peut qu'il arrive cela. Inconsciemment et par avance, j'attache une certaine importance à ce qui pourrait être un don de prémonition.
Je préfère rester dans l'idée que mon destin m'appartient. Et je considère qu'il m'appartient dans les faits tant qu'il ne m'est pas révélé. Car sitôt que l'on nous le révèle, on cherchera des signes qui puissent corroborer ou non ce que l'on nous a prédit. Et l'on finira par percevoir la réalité conformément à une interprétation prédéterminée. Lorsque je parle de conformité, cela peut aussi bien être en réaction à ce que l'on nous a prédit. Quoiqu'il en soit, le fait de chercher des signes revient à donner foi, voire à donner de la consistance et donc une certaine existence à cette entitée révélée : le destin !
Le destin serait encore un enchaînement nécessaire et imprévu des événements qui composent la vie d'un être humain indépendamment de sa volonté, voire en très forte relation directe avec sa nature ou la nature de ce qui l'entoure. Le destin serait par conséquent inscrit dans chaque chose dès sa naissance (l'inné) ainsi qu'en fonction du développement de ces choses (l'acquis). Le destin serait dans ce cas non plus une entité, mais un pur produit de la logique, un enchaînement de conséquences.
Il existe en effet une forme de déterminisme liée à notre histoire familliale, et plus généralement à notre histoire sociale. Ainsi peut-on s'inscrire en conformité ou en réaction par rapport à des traits de caractères dominants de notre père, notre mère, notre frère, notre soeur ..., toute personne pour qui l'on attache de l'importance.Par ailleurs, le fait d'être ami avec tel ou tel, de participer à telle ou telle association, influe nécessairement sur notre perception du monde mais aussi sur nos pratiques (vestimentaires, culinaires, dans les loisirs ...).
Ainsi, je pense q'une réflexion sur le destin, dépasse le simple fait de croire. La notion de destin s'impose comme une donnée. Mais ce n'est qu'une donnée, que je rapprocherais plutôt de l'idée plus juste, ce me semble de "déterminisme". Les radicaux pourront s'opposer à moi dans un sens, celui du tout déterminé, ou dans un autre, celui du rien n'est déterminé. Quoiqu'il en soit, l'idée de destin impose une réflexion sur le cours des événements d'une vie. Nous avons tous un certain bagage et un caractère qui nous permettra de l'utiliser d'une manière ou d'une autre.
Je ne croirais donc pas en un destin, mais bien en une profusion de destins possibles. Car la vie d'un homme ne peut se résumer à un destin. Sinon celui que réserve toute vie, la mort, l'annihilation de la vie telle que nous pouvons la connaître indubitablement. Si destin il y a, ce n'est jamais qu'un donné de départ, une tendance globale, qui peut tendre à s'affirmer ou non, en fonction des actions que l'on entreprend.
Le destin me semble un refuge, une sorte de possible réconfort. Même quand il est passablement négatif, invoquer le destin, cela revient à se dire que l'on a fait notre possible et que l'on ne pouvait faire autrement. Cela nous permet de stopper net un questionnement qui nous amènerait petite à petite vers l'annihilation de notre être. Le destin qui permet de conforter l'esprit, voire de le réconforter en cas de trop grande faiblesse. Cette faiblesse pouvant être un état passager ou permanent de l'esprit concerné.
Et pour être encore plus clair, et surtout pour conclure cet exposé qui pourrait ne pas se terminer là : je crois plus en l'effort, au travail, qu'au destin.