Le langage

Débats Gay et Lesbien

Le langage : inné ou acquis ?

Le langage est entièrement inné
2
3%
Le langage est majoritairement inné
8
13%
Le langage est un dosage à parts égales entre l'inné et l'acquis
16
26%
Le langage est majoritairement acquis
15
24%
Le langage est entièrement acquis
21
34%
 
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Potiron
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Inscription : dim. juil. 24, 2005 8:31 am

Message par Potiron »

edogawa a écrit :La seule chose vraiment importante est la suivante : quand est-ce que l'être humain a-t-il été capable d'être "créatif" dans son langage ? Pourquoi un jour l'être humain a-t-il été capable de produire de nouvelles phrases à l'infini, ceci étant d'ailleurs responsable de l'écriture, de la philosophie, etc.
Ben, pour moi, non. Ce n'est pas une question importante, ce n'est même pas une question à se poser. Parce que justement, ce n'est pas en un jour que, pof, l'être humain a reçu le don de développer un langage complexe. Roma non fu fata in un giorno, comme dirait un des personnages d'Astérix. C'est le résultat d'une histoire, d'un processus, d'un long développement. L'histoire de ce processus est sans doute passionnante, mais a peu de choses en commun avec ta question. D'ailleurs, la pensée vient-elle avant le langage, après, ou se construisent-ils l'un par rapport à l'autre ?
Je noterai au passage que ladite question remet en cause le caractère inné du langage que tu décris. Mais là, certes, je pinaille.
edogawa a écrit :Ce n'est pas une affaire d'entraînement et d'habitude puisque l'adulte qui apprend une langue étrangère ne parviendra pratiquement jamais à maîtriser parfaitement les sons de cette langue (et ça je le vois tous les jours dans mon boulot). Un enfant qui apprend une langue étrangère assidument (un enfant qui vient de changer de pays par exemple et non pas un enfant qui apprend trois mots d'anglais une demi-heure par jour) maîtrisera lui parfaitement les sons de sa nouvelle langue et parlera donc sans accent.
Relis moi, et tu verras que ce que j'ai dit recoupe exactement tes observations. Bizarre que nous n'ayons pas les mêmes conclusions à partir de ce point. M'est avis que tu surinterprètes tes données. C'est une affaire d'entraînement et d'habitude que d'acquérir la possibilité de former un certain nombre de sons, et cette acquisition est d'autant plus facile que le terrain est neutre et jeune -donc vierge.
edogawa a écrit :Comment expliques-tu que des enfants en bas âge (lorsqu'ils commencent à parler) soient capables de produire rapidement des phrases plus complexes que celles que leurs parents produisent ?
Je reconnais que sur ce point-là, je n'ai pas assez étudié la question pour émettre un avis définitif. Néanmoins, on peut proposer quelques hypothèses qui n'ont rien à voir avec le fait d'avoir des "structures grammaticales" inscrites en nous de façon innée. D'abord, je me permettrai de n'être pas d'accord avec toi lorsque tu dis que les grammaires de toutes les langues ont assez de points communs pour former une sorte de "grammaire universelle" commune à toutes et présentes en chacun. D'ailleurs, les bébés et les personnes qui n'ont pas bien appris à manier leur langue doivent être repris pour leurs multiples fautes de grammaire ou de prononciation.
Mais plus loin encore, je signalerai que ce qu'on appelle des "règles de grammaire" ne sont que la modification des formes des mots pour les adapter mieux à la réalité de ce qu'ils représentent (par exemple les temps ou les nombres). Il me semble tout à fait possible qu'à partir d'une structure rudimentaire de langage, des enfants adaptent le matériau à la réalité qu'ils observent parce qu'ils en ont besoin, d'autant plus que leur environnement n'est pas, de ce point de vue, neutre. Le fait que le langage soit acquis n'enlève pas, au contraire, l'inventivité.
D'abord, ces enfants auraient-ils même l'idée de parler s'ils n'étaient pas plongés dans un environnement parlant ?
Mais je me garderai bien d'aller plus loin, il faut que je me renseigne sur ces "pidgins". Il me semble toutefois fortement douteux que lesdits enfants construisent tôt une grammaire complexe. Elle doit aussi être relativement rudimentaire, même si moins que celle de leurs parents.
Pourrais-tu m'indiquer quelles sont tes sources sur cette question, s'il te plaît?
edogawa a écrit :On fait de multiples tests, depuis plus de cinquante ans, sur des nourrissons (avant qu'ils soient nés même et jusqu'à un certain âge), sur tous les cas possibles (enfants en contact avec la seule langue maternelle, avec plusieurs langues en même temps, etc.). Des tests phonologiques, grammaticaux, sémantiques, pragmatiques et j'en passe. On se réfère à l'Histoire également (c'est terrible à dire mais ce sont très souvent les cas tragiques les plus pertinents).
Des exemples concrets, s'il te plaît. Quels sont les protocoles, les observations, le nombre d'expériences menées ? Au moins sur une expérience que tu connais.
edogawa a écrit :Mais je peux tout à fait te retourner la question : comment montre-t-on aujourd'hui que les théories sur l'"innéisme" du langage sont fausses ?
Mais, mon cher, je ne tiens pas à prouver que le langage n'est pas inné. Je le pense, et j'essaie de voir jusqu'à quel point ce que je pense peut tenir. D'autant plus que je suis bien loin d'être une spécialiste en la matière, même si j'ai lu quelques travaux de linguistes à l'époque où j'assistais encore à des cours de lettres. :mrgreen:
Je peux juste te dire que je ne suis pas du tout convaincue par ton argumentation, et que pour l'instant, rien ne me montre que le langage est inné, et que tout au contraire m'indique qu'il est acquis, comme je l'ai dit, sur une base de potentialités exploitables, et qu'on apprend à exploiter.
Dernière modification par Potiron le ven. mars 31, 2006 8:31 pm, modifié 1 fois.
UnExMembre

Message par UnExMembre »

Supprimé à la demande de son rédacteur ... :(
edogawa
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Inscription : jeu. juin 30, 2005 2:51 pm

Message par edogawa »

Potiron a écrit :Ben, pour moi, non. Ce n'est pas une question importante, ce n'est même pas une question à se poser. Parce que justement, ce n'est pas en un jour que, pof, l'être humain a reçu le don de développer un langage complexe. Roma non fu fata in un giorno, comme dirait un des personnages d'Astérix. C'est le résultat d'une histoire, d'un processus, d'un long développement. L'histoire de ce processus est sans doute passionnante, mais a peu de choses en commun avec ta question. D'ailleurs, la pensée vient-elle avant le langage, après, ou se construisent-ils l'un par rapport à l'autre ?
Je noterai au passage que ladite question remet en cause le caractère inné du langage que tu décris. Mais là, certes, je pinaille.
Je ne suis pas spécialement convaincu que l'on va arriver à une réponse qui nous satisfera (et qui satisfera qui que ce soit en passant) vu que ces questions sont débattues depuis la nuit des temps et que l'on est jamais arrivé à une quelconque conclusion encore. Suivant les auteurs, l'apparition du langage se situerait entre 40'000 ans et 2'000'000 d'années. Même si personnellement je n'en suis pas convaincu, sache que la théorie de l'"accident" pour expliquer le passage de ce que j'appellerais un langage "primitif" à un langage "créatif" (illimité) a été abondamment étudiée et suivie. Certaines théories chomskiennes partent de l'idée que l’espèce humaine telle que nous la connaissons est née d’une modification génétique survenue il y a environ 100 000 ans. Nos circuits cérébraux auraient été réorganisés et ils seraient à l’origine de notre « instinct du langage ». Cela aurait permis l’explosion de toutes les capacités cognitives apportées par ce changement génétique.
Relis moi, et tu verras que ce que j'ai dit recoupe exactement tes observations. Bizarre que nous n'ayons pas les mêmes conclusions à partir de ce point. M'est avis que tu surinterprètes tes données. C'est une affaire d'entraînement et d'habitude que d'acquérir la possibilité de former un certain nombre de sons, et cette acquisition est d'autant plus facile que le terrain est neutre et jeune -donc vierge.
Je t'ai relu et c'est juste une question de point de vue. Ca dépend de quel côté tu prends le problème (du côté de l'inné ou de l'acquis). Si tu le prends du mien, on peut tout aussi bien dire que les enfants qui auraient tous les sons en eux à leur naissance perdent ceux qui ne sont pas stimulés avec le temps (ce qui a été avancé par certains). Apprendre une langue en tant qu'adulte reviendrait à chercher des sons que l'on ne possède plus (d'où l'accent terrible parfois) mais que l'on a eu enfant. A noter (et là c'est moi qui fait de simples constatations par rapport à mon travail) que la barrière est franchie vers 16-17 ans. Avant cet âge, la personne apprend une nouvelle langue sans accent. Après, malheureusement, ce n'est plus le cas (sauf en produisant d'énormes efforts).
Mais je me garderai bien d'aller plus loin, il faut que je me renseigne sur ces "pidgins". Il me semble toutefois fortement douteux que lesdits enfants construisent tôt une grammaire complexe. Elle doit aussi être relativement rudimentaire, même si moins que celle de leurs parents.
Pourrais-tu m'indiquer quelles sont tes sources sur cette question, s'il te plaît?
Encore une fois je n'ai jamais dit que ces enfants construisaient une grammaire complexe. Ils ont systématisé la "langue" rudimentaire de leurs parents qui ne l'était absolument pas. Ils ne s'est pas seulement agi d'inventer quelques marques de temps ou d'accords nécessaires à toutes les langues, mais aussi de trouver une structure à la langue (les mots trouvent un certain ordonnancement et ne sont plus produits de manière aléatoire).
Tu m'excuseras pour les sources mais je ne les ai plus exactement sous les yeux (mes années de fac remontent à quelques années quand même :oops:). Mais tu peux toujours taper "pidgin", "language inquiry", "acquisition du langage", "langage inné", "langage acquis", etc., sur google et tu devrais trouver des centaines de pages concernant le sujet. Quelques auteurs qui se sont intéressés au sujet : Chomsky, Pollock, Kayne, Rizzi, Belletti, Haegeman, etc. (désolé mais je cite de mémoire ceux dont je me rappelle, il y en a naturellement plein d'autres).
Des exemples concrets, s'il te plaît. Quels sont les protocoles, les observations, le nombre d'expériences menées ? Au moins sur une expérience que tu connais.


Ouh là. Ca ne va pas faire très sérieux mais je plaide coupable pour le coup. J'en ai étudié des dizaines d'expériences mais je suis bien incapable de t'en sortir une là de mémoire surtout que ça demande logiquement une réelle précision. Une petite chose quand même sans rentrer dans les détails (je ne peux plus te citer le nombre d'enfants observés, l'année d'observation, etc.). Prenons l'exemple des sujets nuls dans plusieurs langues (le français, l'anglais et l'italien). Il n'est pas possible d'omettre les sujets dans les deux premières langues (sauf exceptions). On ne peut pas dire effectivement : "Regardent la télé" en français, on doit bien dire : "Ils regardent la télé". En italien (que je ne parle pas du tout), ça se fait constamment d'omettre le sujet. Des tests ont été fait sur de nombreux enfants parlant l'une de ces trois langues et une constatation s'est toujours produite : quelle que soit la langue parlée, les enfants, au début de leur apprentissage, omettaient le sujet très fréquemment. Il est difficile d'imaginer pourquoi des enfants français qui n'ont jamais entendu leur entourage omettre le sujet l'omettent eux à un moment donné (comme les italiens, ce qui est normal là par contre). L'idée est que tous les enfants naissent avec cette possibilité d'omettre ou pas le sujet (je te dirige sur la théorie des paramètres, tu peux te pencher sur l'article "A Parametric Approach to Comparative Syntax : Porperties ot the Pronominal Syster" de Luigi Rizzi), et qu'ils choisissent au départ le plus simple (omettre le sujet) avant de se rendre compte pour le français et l'anglais que ce n'est pas le cas, et de le produire un peu plus tard. Ce qui est intéressant aussi, c'est que cette omission se produit dans la même tranche d'âge dans les trois langues. En comparaison, l'objet n'est jamais omis dans aucune langue (ce qui est assez logique), sauf lorsque l'on a affaire à un verre intransitif bien entendu. Eh bien le pourcentage des objets omis chez tous ces enfants s'est toujours avéré insignifiant. Logique puisqu'ils ne possèderaient pas ce choix d'omettre ou pas l'objet dès le départ.
Mais, mon cher, je ne tiens pas à prouver que le langage n'est pas inné. Je le pense, et j'essaie de voir jusqu'à quel point ce que je pense peut tenir. D'autant plus que je suis bien loin d'être une spécialiste en la matière, même si j'ai lu quelques travaux de linguistes à l'époque où j'assistais encore à des cours de lettres. :mrgreen:
Eh bien on sera deux. Ai-je jamais dit depuis l'ouverture de ce sujet que j'allais prouver que le langage était inné ? Je pense qu'il l'est en partie (je pense surtout que le langage n'est absolument pas entièrement acquis, pour tout un tas de raisons) après avoir suivi quelques études de linguistique qui m'ont convaincu et je trouvais intéressant d'en parler ici. Si ça donne à certains l'envie d'approfondir le sujet, je ne pense pas que ça soit négatif.
sijaro a écrit :Les remarques de Potiron me semblent pertinentes. Je ne suis toujours pas convaincu par le caractère inné du langage... Désolé cher collègue.
Mais j'espère bien! Ca serait quand même le comble de se baser sur quelques messages non exempts de maladresses de ma part pour se faire une idée sur une question aussi complexe.
Potiron
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Message par Potiron »

Alors, dans l'ordre :
1 - Il me semble surtout que ce sont surtout des spéculations. Mais bon, peut-être ont-ils un moyen de prouver leurs théories... J'en doute, dans l'état actuel des choses.
2 et 4 - Là aussi, ce sont des spéculations. Généralement, je préfère m'en tenir aux raisons suffisantes lorsqu'elles ne sont pas absurdes et qu'elles résolvent la totalité du problème.
Pourquoi un enfant aurait-il un certain nombre de données présentes dans son cerveau et pas d'autres ? Pourquoi certaines grammaires sont-elles plus complexes que celles qu'on aurait au départ ?
L'omission du sujet et non de l'objet peut s'expliquer par des tas de manières, autres que la présence de structures grammaticales prénatales. Par exemple que l'objet est nécessaire à l'explicitation et la compréhension de l'action alors que le sujet, non. Parce que les enfants ne se rendent pas compte que si les verbes changent selon la personne et le nombre, leurs formes sonores sont parfois indifférenciées -ce qui rend le pronom ou le sujet obligatoire. Parce qu'un enfant n'est pas en mesure de fournir des phrases complexes. Enfin, que sais-je... D'ailleurs, j'ai souvent remarqué que les enfants parlaient surtout par verbes, et pas tellement avec l'aide d'objets ou de sujets.
3 - merci pour les références, je vais me pencher dessus quand j'aurai une minute :) J'ai déjà recherché un peu sur Internet, et je n'ai pas vu grand-chose, mais peut-être n'ai-je pas tapé la bonne formulation.
Fade Out
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Message par Fade Out »

C'est quand même un comble de se rendre compte que vous êtes presque d'accord seulement après 10 pages de débats, précisément dans un sujet sur le langage. :lol:
popy
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Inscription : sam. sept. 17, 2005 6:06 am

Message par popy »

il y a une très large différence entre des capacités physiques à produire des sons et la connaissance d'un langage...
Ces capacitées physiques a produire des sons, sortent-elles de façon incohérentes et illogique?
Que l'on soit bébé, enfant (enfants sauvages, enfants sourd, muet) animaux etc etc ????
edogawa
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Message par edogawa »

Deux pages, Fade Out, deux pages! Et en même temps il ne s'agit pas d'être spécialement d'accord. Personnellement cette discussion m'a redonné l'envie de me plonger dans des lectures qui traitent de ce sujet pour voir un peu où on en est ces six dernières années on va dire. :D

P.S. : en me relisant, je me rends compte que je ne suis sûrement pas très clair; les auteurs que je cite ne sont pas des auteurs qui ont spécialement parlé des langues pidgins mais bien des auteurs qui ont soutenu la théorie d'un langage en partie (plus ou moins grande selon l'auteur) inné.
GrayWolf
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Inscription : mer. avr. 19, 2006 7:58 pm

Message par GrayWolf »

Pour moi il est entièrement acquis, mais je parle du langage dans le sens langue intelligible comme le français ou l'anglais. Mais c'est vrai qu'il doit y avoir une part d'inné car on peut communiquer avec des gens dont on ne maitrise pas la langue juste par la gestuelle, par les dessins et ça personne ne nous l'a jamais appris, c'est une forme de langage rudimentaire totalement innée. Mais le "vrai" langage est acquis pour moi.
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