Ben, pour moi, non. Ce n'est pas une question importante, ce n'est même pas une question à se poser. Parce que justement, ce n'est pas en un jour que, pof, l'être humain a reçu le don de développer un langage complexe. Roma non fu fata in un giorno, comme dirait un des personnages d'Astérix. C'est le résultat d'une histoire, d'un processus, d'un long développement. L'histoire de ce processus est sans doute passionnante, mais a peu de choses en commun avec ta question. D'ailleurs, la pensée vient-elle avant le langage, après, ou se construisent-ils l'un par rapport à l'autre ?edogawa a écrit :La seule chose vraiment importante est la suivante : quand est-ce que l'être humain a-t-il été capable d'être "créatif" dans son langage ? Pourquoi un jour l'être humain a-t-il été capable de produire de nouvelles phrases à l'infini, ceci étant d'ailleurs responsable de l'écriture, de la philosophie, etc.
Je noterai au passage que ladite question remet en cause le caractère inné du langage que tu décris. Mais là, certes, je pinaille.
Relis moi, et tu verras que ce que j'ai dit recoupe exactement tes observations. Bizarre que nous n'ayons pas les mêmes conclusions à partir de ce point. M'est avis que tu surinterprètes tes données. C'est une affaire d'entraînement et d'habitude que d'acquérir la possibilité de former un certain nombre de sons, et cette acquisition est d'autant plus facile que le terrain est neutre et jeune -donc vierge.edogawa a écrit :Ce n'est pas une affaire d'entraînement et d'habitude puisque l'adulte qui apprend une langue étrangère ne parviendra pratiquement jamais à maîtriser parfaitement les sons de cette langue (et ça je le vois tous les jours dans mon boulot). Un enfant qui apprend une langue étrangère assidument (un enfant qui vient de changer de pays par exemple et non pas un enfant qui apprend trois mots d'anglais une demi-heure par jour) maîtrisera lui parfaitement les sons de sa nouvelle langue et parlera donc sans accent.
Je reconnais que sur ce point-là, je n'ai pas assez étudié la question pour émettre un avis définitif. Néanmoins, on peut proposer quelques hypothèses qui n'ont rien à voir avec le fait d'avoir des "structures grammaticales" inscrites en nous de façon innée. D'abord, je me permettrai de n'être pas d'accord avec toi lorsque tu dis que les grammaires de toutes les langues ont assez de points communs pour former une sorte de "grammaire universelle" commune à toutes et présentes en chacun. D'ailleurs, les bébés et les personnes qui n'ont pas bien appris à manier leur langue doivent être repris pour leurs multiples fautes de grammaire ou de prononciation.edogawa a écrit :Comment expliques-tu que des enfants en bas âge (lorsqu'ils commencent à parler) soient capables de produire rapidement des phrases plus complexes que celles que leurs parents produisent ?
Mais plus loin encore, je signalerai que ce qu'on appelle des "règles de grammaire" ne sont que la modification des formes des mots pour les adapter mieux à la réalité de ce qu'ils représentent (par exemple les temps ou les nombres). Il me semble tout à fait possible qu'à partir d'une structure rudimentaire de langage, des enfants adaptent le matériau à la réalité qu'ils observent parce qu'ils en ont besoin, d'autant plus que leur environnement n'est pas, de ce point de vue, neutre. Le fait que le langage soit acquis n'enlève pas, au contraire, l'inventivité.
D'abord, ces enfants auraient-ils même l'idée de parler s'ils n'étaient pas plongés dans un environnement parlant ?
Mais je me garderai bien d'aller plus loin, il faut que je me renseigne sur ces "pidgins". Il me semble toutefois fortement douteux que lesdits enfants construisent tôt une grammaire complexe. Elle doit aussi être relativement rudimentaire, même si moins que celle de leurs parents.
Pourrais-tu m'indiquer quelles sont tes sources sur cette question, s'il te plaît?
Des exemples concrets, s'il te plaît. Quels sont les protocoles, les observations, le nombre d'expériences menées ? Au moins sur une expérience que tu connais.edogawa a écrit :On fait de multiples tests, depuis plus de cinquante ans, sur des nourrissons (avant qu'ils soient nés même et jusqu'à un certain âge), sur tous les cas possibles (enfants en contact avec la seule langue maternelle, avec plusieurs langues en même temps, etc.). Des tests phonologiques, grammaticaux, sémantiques, pragmatiques et j'en passe. On se réfère à l'Histoire également (c'est terrible à dire mais ce sont très souvent les cas tragiques les plus pertinents).
Mais, mon cher, je ne tiens pas à prouver que le langage n'est pas inné. Je le pense, et j'essaie de voir jusqu'à quel point ce que je pense peut tenir. D'autant plus que je suis bien loin d'être une spécialiste en la matière, même si j'ai lu quelques travaux de linguistes à l'époque où j'assistais encore à des cours de lettres.edogawa a écrit :Mais je peux tout à fait te retourner la question : comment montre-t-on aujourd'hui que les théories sur l'"innéisme" du langage sont fausses ?
Je peux juste te dire que je ne suis pas du tout convaincue par ton argumentation, et que pour l'instant, rien ne me montre que le langage est inné, et que tout au contraire m'indique qu'il est acquis, comme je l'ai dit, sur une base de potentialités exploitables, et qu'on apprend à exploiter.