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La marche des fiertés 2010 montrée au journal télévisé

Par tkf, le

Comme à notre habitude, petite retranscription tout d’abord des principaux journaux télévisés, avant une analyse plus détaillée…

Journal de TF1

Claire Chazal : La marche des fiertés homosexuelles a rassemblé à Paris plusieurs dizaines de milliers de personnes. Placée cette année sous le signe de l’égalité, elle a donné encore une fois l’occasion de défiler au son des musiques technos et de faire la fête. Henri Dreyfus et Anaïs Barth suivaient le cortège.

Voix off : La plupart des partis d’opposition réunie pour défendre la cause homosexuelle. Le mot d’ordre est clair : « Violence, discrimination : assez ! Liberté et égalité partout et toujours ».

Elisabeth Ronzier (membre de l’Inter LGBT) : « L’égalité des droits n’existe toujours pas en France, donc il faut être visible, il faut militer, et il faut montrer au pouvoir politique qu’on est là et que l’on reste mobilisé, et qu’on continuera tant qu’on n’aura pas l’égalité des droits. »

Voix off : Déplorant les promesses non tenues du candidat Sarkozy, beaucoup dénoncent un pouvoir rétrograde, voir réactionnaire.

Jean-Luc Roméro (PS - Conseiller régional d’Ile de France) : « Il y avait juste deux projets dans le programme de Nicolas Sarkozy. C’était le contrat d’union civile, et c’était le statut de beau-parent. On nous a annoncé il y a quelques jours qu’il n’y avait pas de majorité à l’UMP, donc en gros, ce sont les Vanneste et les Boutin qui ont pris le pouvoir, et je crois que c’est dommage, car l’homosexualité n’est évidemment ni de droite, ni de gauche… »

Voix off : 800.000 personnes venus électriser les rues de la capitale. L’extravagance souvent, l’outrance parfois ; l’amour à visage découvert… Et au cœur des revendications…

Participant anonyme : « Marié officiel de la gay pride 2010 ! »

Voix off : … le mariage et l’adoption pour les homosexuels.

Jean-Paul Huchon (président du conseil régional d’Ile de France) : « Nous nous engageons à rendre légal le mariage entre deux personnes de même sexe à partir de 2012, je crois que c’est important… »

Jean-Vincent Placé (secrétaire national adjoint d’Europe Ecologie) : « A titre personnel, je suis un jeune adopté. Je peux vous dire que quand on arrive dans une famille, ce qui intéresse, c’est l’amour des parents et pas de savoir quel est leur sexe. »

Voix off : En Espagne, et depuis peu au Portugal, le mariage entre deux personnes du même sexe est autorisé. En France, le PaCS a onze ans, et ne donne aucun droit au conjoint en matière successorale.

Claire Chazal : « Et signalons à ce propos que le magazine Têtu, magazine qui traite de l’homosexualité, fêtera ses quinze ans, fête ses quinze ans aujourd’hui. Voici la une du mensuel, qui pour l’occasion aussi sort un cd, une compilation dans laquelle on retrouve aussi bien Mika que David Bowie ou encore Britney Spears.

Si le mariage homosexuel, on n’en parlait à l’instant, n’est pas encore autorisé en France, voici une nouvelle tendance qui se dessine : les unions sponsorisées. (Nous ne transcrivons pas la suite de cette transition de sujet).

Journal de France 2

Laurent Delahousse : Et c’est sous le soleil également qu’a eut lieu aujourd’hui à Paris la gay pride. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont célébré les fiertés homosexuelles. Une fête qui se fait toujours en musique : sur place, Nicolas Chateauneuf et Frédéric Bohn.

Voix off : Des décibels, de l’énergie à profusion, et beaucoup, beaucoup de monde. Cette après-midi, pour cette neuvième édition, la marche des fiertés gaies, lesbiennes, bisexuelles et transsexuelles a rempli les rues, avec ses 80 chars, et un seul mot d’ordre : « L’égalité pour tous ».

Vincent Loiseau (porte parole de l’Inter LGBT) : Le gouvernement a avancé d’une certaine manière sur la lutte contre l’homophobie, et la lesbophobie, la transphobie. Néanmoins, sur l’égalité des droits, à savoir le droit au mariage, ou le droit à adopter pour les couples homosexuels, aujourd’hui, rien n’a avancé. »

Voix off : Au cœur du cortège, des militants très remontés. Ils dénoncent, selon eux, les nouveaux vecteurs de l’homophobie.

Militant SOS homophobie anonyme : « C’est un vrai défouloir, internet, aujourd’hui, pour les homophobes. Et nous, on n’en peut plus. On n’en peut plus, on n’en peut plus, de la banalisation des insultes… »

Voix off : Au fil des kilomètres, le défilé s’étire. La foule est bigarrée, colorée. Certains font preuve d’une réelle inventivité. Parfois, dans l’immense cortège, on se perd de vue, pour mieux se retrouver ensuite. Et tout le long de la parade, des spectateurs, venus nombreux.

Spectatrice anonyme 1 : « Je trouve que c’est sympa, c’est bien, et c’est chouette que çà existe quoi. »

Spectatrice anonyme 2 : « Génial, çà change des manifs où on casse tout. Les gens s’amusent, ils sont jeunes. Bah y’a tout âge, c’est génial. »

Voix off : Sous le regard des forces de l’ordre, la marche s’est déroulée sans incident, malgré une chaleur accablante. Il faut dire que certains ont trouvé un moyen pratique de se rafraichir.

Le journal de France 3 – édition du soir.

Francis Letellier : La marche des fiertés à Paris a été un succès cet après midi. Des dizaines de milliers de personnes ont défilé pour réclamer l’égalité des droits pour les homosexuels. Une gay pride plus politique que d’habitude. Les partis de gauche avaient d’ailleurs envoyé tous une délégation. Ambiance avec Geneviève Faure et Pierre-Julien Quiers.

Voix off : Se montrer aujourd’hui pour être invisible les autres jours. La marche des fiertés, rendez-vous gay et joyeux. Mais sur ce dancefloor à ciel ouvert au son de la musique techno, les revendications sont aussi sérieuses.

Anonyme 1 : « On aimerait énormément s’exprimer davantage. Et ne serait-ce qu’au travail par exemple, on ne peut pas trop en parler, on a peur d’être discriminé, montré du doigt, ne pas avoir la carrière qu’on veut… Donc rien que pour çà, je pense que çà mérite qu’on sorte. »

Eloïne Fouilloux (vice secrétaire « Les enfants d’arc-en-ciel ») : « Ce qu’on voudrait, c’est être réuni en tant que famille, que les deux parents de nos enfants soient reconnus en tant que parent, et que nos enfants soient protégés comme tous les autres enfants, d’un point de vu légal. »

Voix off : C’est François Mitterrand qui dépénalisait l’homosexualité en 1982. Il y a quelques mois, la transsexualité cessait d’être considérée comme une maladie mentale. Mais dans la vie courante, tout ne change pas pour autant.

Bartholomé Girard (président SOS homophobie) : « Aujourd’hui en France, il y a encore des personnes qui se font agresser. Agresser verbalement, agresser physiquement, harceler, maltraiter, tabasser, voir tuer, parce qu’elles sont lesbiennes, gays, bi ou trans.

Anonyme 2 : « Çà dépend d’où on vient. Dans la France un peu plus reculée, justement, on peut… çà peut être très mal vu, donc moi personnellement je suis parti dans une grande ville, en espérant que ce soit mieux vécu et c’est le cas. »

Voix off : Au fil du temps pourtant de nouvelles villes de province ont aussi leur marche des fiertés, et la dernière aura lieu à Marseille le 10 juillet prochain.

Francis Letellier : Alors que faut-il retenir de cette gay pride façon 2010, pour en parler ce soir avec nous, François loiseau. Bonsoir

Vincent Loiseau : Bonsoir.

Francis Letellier : Vous êtes porte-parole de la Inter LGBT qui coordonne la gay-pride. Vous annoncez 800.000 participants à cette marche des fiertés aujourd’hui à Paris. 99.000 selon la police, qui fait d’ailleurs le distinguo entre ceux qui étaient sur le défilé et ceux qui étaient sur la rue ou sur les trottoirs pour voir comment çà se passait. En tout cas c’est le grand écart là. Comment çà s’explique ?

Vincent Loiseau : Là clairement, on l’a exprimé, c’est un petit peu scandaleux de la part de la préfecture. Çà fait plusieurs années qu’on défile, j’ai même amené les chiffres avec moi pour bien le prouver. Cette marche des fiertés depuis au moins une dizaine d’années oscille entre 500, 600, 700.000… 800.000 personnes en 2006. On sait que la marche parisienne fait partie des grandes marches européennes. A Madrid en l’occurrence, il y a un million de personnes. Donc, je… nous trouvons vraiment scandaleux que, à l’heure actuelle, on annonce 100.000 personnes. Ce sont des chiffres qui étaient donnés dans les années 90’. Ils ne sont pas du tout en adéquation. Surtout que dans la marche, selon la police, ce sont seulement 30.000 personnes ! Alors que les images où tout ce que j’ai pu avoir en retour jusqu’à présent montraient l’inverse.

Francis Letellier : Bref, pour vous c’est un succès, mais qui repose sur quoi ? Les revendications ou plus sur l’aspect festif ?

Vincent Loiseau : Ah, les deux en fait. La marche des fiertés, c’est à la fois une partie revendications, et une partie festivités, puisque c’est notre manière de montrer à la société que nous avons envie d’une évolution, d’une égalité des droits. D’ailleurs, le reportage vient de le montrer : nous voulons seulement être… pouvoir par exemple vivre notre homosexualité tranquillement dans le travail.

Francis Letellier : Alors, je le disais aussi tout a l’heure, une marche qui est apparue plus politique que d’habitude. Notamment, en préparant cette marche des fiertés, lors de conférences de presse, vous avez fait le bilan de Nicolas Sarkozy depuis qu’il a été élu en 2007, et vous estimez, c’est le constat que vous faites, que les droits des homosexuels en France n’ont pas vraiment progressé. Vous vous basez sur quoi pour dire çà ?

Vincent Loiseau : Alors, en fait, le gouvernement Sarkozy a évolué sur une chose : la lutte contre l’homophobie, la lesbophobie, la transphobie. Çà, y’a aucun souci, on le dit, et on le dit dans les rendez-vous ministériels, comme dans les rendez-vous auprès de l’Elysée qu’on a eut cette semaine. Par contre, ce qui est un véritable engagement législatif, il n’y a eut aucun progrès.

Francis Letellier : Sur quoi par exemple ?

Vincent Loiseau : Sur les avancées du PaCS. Nous avions… en fait, le président de la République a été parti sur des avancées dans le cadre d’un contrat, d’un contrat qui s’appelle l’union civile. Nous n’en voulions pas, nous étions hostiles à ce contrat qui n’avait aucun intérêt, et donc nous avions porté notre intérêt, nos revendications, sur des améliorations du PaCS. Des améliorations significatives, comme la signature de PaCS en mairie, la pension de réversion… Il n’y a rien. Parallèlement, nous avons travaillé avec le gouvernement sur le statut du tiers. Aujourd’hui, force est de constaté qu’il n’y a aucune mise en agenda du statut du tiers.

Francis Letellier : Vincent Loiseau, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation ce soir. Et puis je signale que le mensuel Tétu fête ses 15 ans d’existence. Le magazine crée par Pierre Bergé revient sur quinze ans de combat pour la reconnaissance des droits des gays à travers des témoignages et des documents entre autres.

A partir de ces retranscriptions, nous allons pouvoir éclaircir quelques points…

1 ) La querelle des chiffres de participation s’aggrave particulièrement cette année.

L’année dernière, en 2009, il y avait eut une cacophonie des chiffres, les organisateurs tablant sur une participation de 700.000 personnes, alors que la préfecture n’en comptabilisait que 200.000. Dans notre article de l’année dernière, nous soulevions des différences de méthodes de comptage (1) pour expliquer de telles différences de chiffres, inédites dans l’histoire de la marche, de par leur ampleur.

Mais cette année, c’est pire. En effet, pour cette marche 2010, l’Inter LBGT estime la participation à 800.000 personnes, donc en hausse par rapport à l’année dernière de près de 100.000 personnes, ce qui n’est pas rien. Mais la préfecture de Paris ne suit pas du tout cet avis, tablant sur une participation d’uniquement 99.000 participants (soit deux fois moins que l’année passée !), dont 34.000 défilants sur les boulevards, et 65.000 badauds observant le défilé sur les trottoirs. Ces chiffres de la préfecture sont unanimement dénoncés par les organisateurs comme « scandaleusement minorés ».

Jamais les écarts de chiffres entre les organisateurs et la préfecture de police ont été si importants : 700.000 participants de différence (contre 500.000 l’année dernière, et 200.000 en moyenne les années précédentes) ! D’autant que les évolutions sont divergentes (en augmentation de 15 % pour les organisateurs, en diminution de 50 % pour la préfecture). Ainsi, contrairement à l’année dernière, où un droit de réserve pouvait s’exercer sur les chiffres de la préfecture, on est aujourd’hui désormais en droit de se demander si leurs chiffres sont crédibles et réalistes, quelque soit la méthode d’estimation comptable adoptée.

Car d’une part, aucun argument ne vient justifier des chiffres aussi bas, tels qu’on n’en avait pas vu depuis une quinzaine d’années. En effet, même si on peut s’interroger sur une certaine forme de démobilisation possible des homosexuels, on ne voit vraiment pas pourquoi une éventuelle démobilisation prendrait aussi rapidement une telle ampleur. De plus, rien ne transparait dans la presse ou les forums LGBT sur internet : on ne trouve pas en effet de témoignages en masse de personnes boycottant la marche des fiertés. Enfin, un tel recul, explicable dans ce cas là par un boycott communautaire au niveau national, est contredit par la progression continue des marches provinciale encore cette année.

D’autre part, des arguments peuvent au contraire plutôt contribuer à justifier la progression de la fréquentation de la marche des fiertés. Les très bonnes conditions climatiques tout d’abord : l’exceptionnel beau temps a probablement contribué à l’affluence des badauds sur les terrasses des cafés et les trottoirs bordant le défilé. Le contexte économique ensuite : certes, la crise n’est pas terminée, mais son effet psychologique s’est quand même en partie estompé, les gens ne rechignant plus autant sur leurs dépenses (de transports, de logement et de restauration notamment) par rapport à l’année dernière. De plus, il ne faut pas oublier qu’il y a bien eut lieu un concert à la bastille pour clôturer la marche cette année (contrairement à 2009), ce qui est fédérateur de foule. Enfin, des témoignages de participants sur la toile parlent d’une foule plus dense que l’année dernière.

Il devient urgent dans cette cacophonie que la préfecture indique ses méthodes de calcul, afin de s’accorder avec les organisateurs sur une méthode commune, car de telles discordances de chiffres sont génératrices de rumeurs nauséabondes. Et de toutes parts. Car d’un côté, certains y voient une tentative de manipulation médiatique de la part du gouvernement qui minimiserait volontairement la participation à la marche des fiertés pour justifier son immobilisme dans l’avancée des droits pour les homosexuels tendant vers l’égalité avec le reste de la population. Et d’un autre côté, d’autres voient dans ces différences de chiffres une tentative de la part de l’inter-LGBT de totalement surestimer cette participation, dans une tentative de manipulation médiatique pour essayer de peser politiquement sur le gouvernement.

En tout cas, les chaines s’y perdent dans cette cacophonie. France 2 se réfère sur les chiffres de la préfecture, et estime la participation à « plusieurs dizaines de milliers de personnes ». TF1 fait le grand écart : Claire Chazal annonce aussi une participation de « plusieurs dizaines de milliers de personnes », mais le commentateur du reportage annonce lui le chiffre de « 800.000 personnes venus électriser les rues de la capitale ». Bref, c’est du grand n’importe quoi. Dans l’édition du soir de France 3, le journaliste Francis Letellier évoque lui aussi une participation de « plusieurs dizaines de milliers de personnes », mais il évoquera la discordance des chiffres lors d’une interview avec Vincent Loiseau, président de l’InterLGBT. On n’hésitera pas au passage à consulter notre article intitulé « La marche des fiertés en crise ? » (2) pour vérifier les dire de Vincent Loiseau sur la comparaison de la participation à d’autres marches européennes comme celle de Madrid, et qui rappelle bien qu’effectivement celle de Paris est l’une des plus importantes d’Europe.

Quoiqu’il en soit, dans ce bazar, on remarquera que les journalistes, dans leurs présentations de reportage respectives, cite à l’unanimité les chiffres de la préfecture, ce qui, e l’absence de perspective comme à France 3, est plutôt inquiétant. Redoutons ce qui risque d’arriver l’année prochaine dans cette bataille des chiffres engagée depuis l’année dernière…

2 ) Un traitement médiatique plus politique de la marche cette année.

Nous étions l’année dernière très critique envers l’interLGBT qui n’avait pas su transmettre son mot d’ordre de marche aux médias. Elle a du s’en rendre compte aussi. Du coup, visiblement, le travail préparatoire a été de bien meilleure qualité. Comme nous le confirme le journaliste de France 3 Francis Letellier, une conférence de presse avait été, comme d’habitude, donnée avant la marche. Mais elle été visiblement bien préparée, car en plus des constats et des revendications, un bilan politique du gouvernement en place, montrant le non respect de ses promesses électorales de 2007, a pu être dressé. Et ce genre de discours, cela parle aux médias. Les comparaisons aussi. TF1 a visiblement bien retenu par exemple ce qu’on a du leur dire, à savoir que l’Espagne et le Portugal ont accordé le droit de mariage aux personnes du même sexe, puisqu’ils le répètent de bon cœur de façon identique (au passage, on sent là qu’il n’y a pas eut de recherche d’approfondissement chez les journalistes, puisque ne sont pas évoqués les pays nordique ou les Pays-Bas, mais bon).

Cette préparation a eut ses effets dans les journaux de TF1 et de France 3.

Ainsi, sur TF1, les reporters ont montré des images de formations politiques soutenant l’avancée des droits des LGBT, avec le début de cortège rassemblant notamment Jean-Luc Roméro et Jean-Paul Huchon (qui remplaceront Bertrand Delanoë, absent cette année, pour les interviews), mais aussi les cortèges du parti socialiste (avec le jeune homme torse nu avec des ailes d’ange tenant des drapeaux rouges homosexualité et socialisme), du parti des Verts, du parti d’Europe Ecologie (avec notamment une interview de son secrétaire national adjoint), du groupe Gaylib (qui réclame d’ailleurs sur son char le départ de Vanneste)… Le but de ses images ? Obtenir un contraste face aux déclarations disant que le président de la République n’a pas tenu ses promesses électorales. Bref, de souligner un clivage politique. Cela était probablement voulu aussi par les organisateurs, car par exemple seuls les partis politiques soutenant l’avancée des droits des LGBT étaient autorisés à avoir des représentants au devant du cortège, là où des politiques, comme Jean-Paul Huchon et Jean-Luc Roméro sur les images, portent l’étendard évoquant le mot d’ordre de la marche. Ce qui ne manqua pas de provoquer un incident, lorsqu’un élu de droite, qui voulait aussi défiler au devant du cortège, s’est tout simplement fait éjecter. Il eut beau protester qu’il soutenait aussi l’avancée des droits des LGBT, on lui rétorqua que ce n’était pas le cas de son parti. Volonté éthique ou politique de la part de l’inter LGBT aux vues des élections de 2012 qui nécessiteraient de réaffirmer un clivage gauche / droite pour gagner des électeurs ?

De même, le journal de France 3 laisse place à plus de temps consacré aux buts de la marche qu’à l’accoutumé, avec 86 % des commentaires du reportage consacrés aux revendications et discours politiques, le meilleur score de la chaine depuis que nous faisons cette étude annuelle. La différence de traitement est importante toutefois, car les revendications sont dites un peu moins clairement, des images quelque peu « exotiques » viennent s’intercaler dans les interviews sans aucune justification ou cohérence (par exemple on montre pendant deux secondes des jeunes filles torses nus avec des scotchs rouges sur les tétons en plein pendant une interview d’une femme parlant de l’homophobie dans le monde du travail…), et le reportage ne donne pas la parole à des hommes politiques mais des anonymes ou à des représentants associatifs. Un comble lorsque le journaliste présentateur évoque une marche plus politisée que d’habitude, avec une présence massive des partis de gauche, que l’on verra finalement peu dans le reportage. La conférence de presse préparatoire a toutefois visiblement incité à moins décrire le cortège qu’à l’accoutumé chez France 3 (mais ils se sont, il vrai, rattrapé pour le coup sur les images). Et surtout France 3 s’est bien rattrapé en invitant le président de l’InterLGBT pour une longue interview.

On ne peut pas en dire de même chez France 2, qui fait cette année son pire reportage depuis que nous réalisons cette étude annuelle : privilégiant les interviews de manifestants ou de badauds, le reportage passe, et c’est un (mauvais exploit) plus de 60 % de son temps à décrire le défilé plutôt qu’à expliquer les buts de la manifestation ! Un très mauvais point pour la chaine du service public qui nous avait habitué à (un peu) mieux.

3 ) Claire Chazal prend-elle position sur le mariage gay ?

Soit elle fait un lapsus, avec sa langue qui a fourché, soit elle a exprimé une opinion politique, en disant dans sa transition avec un autre sujet sur les mariages sponsorisés « Si le mariage homosexuel […] n’est pas encore autorisé en France …». Vous avez remarqué le mot « encore » ? Un bien petit mot qui peut dire beaucoup… Bon, mais on extrapole quelque peu sans preuve. Il peut s’agir d’un « encore » qui signifie plutôt que le sens de l’histoire voit l’adoption du mariage gay en Europe comme un phénomène inéducable qui touchera aussi un jour ou l’autre la France (même si en fait cela n’a pas de sens réel, mais bon). Quoiqu’il en soit, à la suite d’un reportage de très bonne qualité et finalement plutôt politiquement orienté, un tel mot rajoute un effet positif aux revendications LGBT exposées durant la marche et le reportage.

4 ) De la pub pour Têtu

Le leader de la presse LGBT apparaissant sur les journaux de TF1 et de France 3, annonçant la sortie de son dernier numéro et fêtant son quinzième anniversaire : voilà une publicité gratuite pour Têtu ! Comment l’expliquer ? Et bien Têtu a tout simplement participé à priori à la conférence de presse préparant la marche. On peut le déduire par la présence dans ce numéro d’une bonne partie du dossier de presse de l’interLGBT dans le supplément « le guide des adresses ». C’est, à notre souvenir, bien la première fois qu’il est publié en dehors que sur internet, et ceci quelques jours avant le défilé en plus. Un partenariat et aussi un moyen de faire de la publicité pour la marche des fiertés auprès de la communauté LGBT et auprès des médias, afin d’attirer un maximum de personnes et d’en expliciter clairement les objectifs.

5 ) Une diminution des moyens de plus en plus flagrante pour couvrir l’événement.

Il y avait deux ans, en 2008, de nombreuses chaines avaient réalisé des reportages supplémentaires en plus de celui de la marche des fiertés pour développer un cas sur l’homophobie ou les revendications des LGBT. L’année dernière, seul TF1 avait persisté dans ce sens. Et cette année : rien. Bref, c’est clairement la crise pour toutes les chaines, qui se contentent désormais de ne faire qu’un reportage sur la marche elle-même. La crise économique et la suppression de la publicité sur les chaines publiques ont visiblement clairement affecté les budgets alloués aux journalistes pour faire un travail d’investigation. C’est en cela très dommageable, car on sait déjà que le public a déjà peu l’occasion de voir aborder des sujets de fond sur l’homophobie au journal télévisé. Seule une bonne préparation à l’avance permet de corriger ce manque de moyen, comme a pu le faire TF1, qui, il faut bien l’avouer, a fait un très bon reportage, même si cela a été vraisemblablement guidé par la conférence de presse préparatoire de l’interLGBT.

La crise budgétaire semble plus aiguë à France Télévisions. Tout d’abord, il n’y a pas eu de reportage lors de l’édition nationale de 19/20, ce qui est très étonnant. Nous ne savons pas si un reportage a été diffusé lors de l’édition régionale du 19/20 (nous l’avons ratée à la télévision, et n’arrivons pas à le visionner sur internet). Quand à l’édition du soir, elle comporte de nombreuses images similaires à celles de France 2 (comprendre avec les mêmes angles, voir même montage, au point que cela ne peut être une coïncidence, comme le plan du char Mama Mia, de l’étendard SOS homophobie, le baiser entre les deux lesbiennes à la fontaine, etc..). Une nécessité de partager les images pour réduire la présence des équipes de journalistes et donc les coûts ?

Une réduction des coûts ne peut en tout cas être favorable sur le long terme en terme de visibilité de la dénonciation de l’homophobie dans les journaux.

6 ) Les formes et les terrains de l’homophobie.

Ils sont évoqués dans les différents reportages, plus particulièrement sur le service public. Rappelons que l’on peut consulter le rapport de SOS homophobie pour avoir des statistiques plus précises. Le dernier ne date faisait justement remarquer de la montée de l’homophobie sur la toile, lié à un anonymat stimulant les paroles homophobes.

Bibliographie

(1 ) La marche des fiertés 2009 montrée au journal télévisé

https://www.et-alors.net/articles/gay-pride-2009-journal-televise

(2 ) La marche des fiertés en crise :

https://www.et-alors.net/articles/gay-pride-paris-en-crise

Dossier de presse 2009 de l’InterLGBT : https://www.inter-lgbt.org/IMG/pdf_DP_Marche_des_fiertes.pdf (lien mort)

Rapport annuel SOS homophobbie 2010 : https://www.sos-homophobie.org/informer/rapport-annuel-lgbtiphobies/ra-2010

PS : alors ? Vous en pensez quoi de cette querelle de chiffres ?